Voici l’exceptionnelle histoire de la peintre Séraphine Louis (1864-1942), décrétée par elle-même «sans rivale», devenue avec la gloire Séraphine de Senlis. Pourtant, son destin semblait tout tracé: une vie de domestique comme celle de l’héroïne d’Un cœur simple de Flaubert. Née à Arsy-sur-Oise dans une famille pauvre, Séraphine est placée très jeune dans plusieurs maisons bourgeoises de la région. À 18 ans, elle part travailler chez les sœurs; elle y restera vingt ans. À 42 ans, cédant aux voix de la Vierge, cette autodidacte solitaire commence à peindre, avec pour seule inspiration la flore, les vitraux de la cathédrale, ses rêves et ses extases. Ses tableaux, ses hardes bigarrées, sa tendance à l’affabulation (elle se croît tantôt la promise d’un bel officier espagnol, tantôt la proie de prêtres pervers) font d’elle l’originale de Senlis.
Le hasard veut qu’elle devienne la femme de ménage de Wilhelm Uhde, grand collectionneur parisien venu se reposer à Senlis. Celui qui a le premier repéré Picasso, Braque et le Douanier Rousseau «craque» pour les toiles de Séraphine qu’il va faire découvrir au monde. Il devient son mécène et consacre une grande exposition en 1928 à Paris aux peintres naïfs (Séraphine Louis, Rousseau, Vivin, Bombois…). Bercée par des rêves de gloire, emportée par un élan mystique aussi créateur que destructeur, Séraphine délire… Le jour où Uhde, appauvri par la crise économique, lui retire son soutien, elle perd tout à fait la raison. En 1931, elle est internée. Là, son sort rejoint celui de Camille Claudel: privée de liberté, de calme, et de son art, négligée par le personnel soignant et finalement affamée par l’occupant allemand, elle meurt oubliée de tous.